Notes

1   L’auteur et son texte

Thibaut IV (1201–1253), fut comte de Champagne et grand poète d’amour. Ses lyriques respirent la culture courtoise de son époque: louange de la belle dame, angoisse de l’amoureux qui doit faire ses preuves devant sa maîtresse. Et pourtant le poète sait se moquer légèrement de ce fin’amour qu’il célèbre avec tant d’éloquence: dans ces petits vers, où la convention de la “pastourelle” (noble chevalier qui s’éprend d’une belle bergère rencontrée en pleine campagne) est subvertie par une réaction insolite...

2   L’Amour et le verger

La poésie érotique du moyen âge nous offre souvent ce décor naturel mais stylisé: les rendez–vous se font par une belle matinée (surtout au mois de mai...), dans un beau verger. C’est le motif de la “reverdie”, de la nature en fleurs pour accueillir les verts galants...

3   Mais où est le sujet?

A noter l’absence régulière en ancien français du pronom sujet: “j’ai trouvé...”, “(elle) disait...”, “(je) lui dis...”, et ainsi de suite.

4   L’ordre des mots

La souplesse de la phrase en ancien français permet de placer l’objet en tête, devant le verbe (à comparer le vieil usage en anglais: “A shepherdess I found...”). Notons que dans ce cas le participe passé du verbe prend l’accord féminin.

5   Déclinaison de l’article défini et des noms masculins (ordinaires)

Singulier
Pluriel
Sujet (li) maus/mals (li) mal
Complément (le) mal (les) maus/mals

6   Amour – amère douceur

L’amour est un délice: il est aussi un tourment. Pour les poètes du moyen âge, le dieu d’amour réclame ses victimes, et la passion est comme une plaie au coeur. Notre petite bergère amoureuse est donc en proie à une véritable douleur.

7   Conjugaison du verbe “oïr” au présent et au prétérit

Présent
Prétérit
1ère personne oi
2me personne oz oïs
3me personne ot
4me personne oons oïmes
5me personne oez oïstes
6me personne oent/oient oïrent

8   Traduction: “Tantost cele part...desresnier”

“Aussitôt que je l’entends chanter, je me dirige vers elle...”

9   Déclinaison des pronoms personnels (3me personne)

Singulier
(Masculin/Féminin)
Pluriel
(Masculin/Féminin)
Sujet il/ele il/eles
Complément direct le/la les/les
Complément indirect li/li lor/lor

10   Si “si” n’est pas “si”...

“Si” (“s’” devant une voyelle) est un adverbe très commun en ancien français, dont le sens général est tantôt fort (comme en français moderne “ainsi”), tantôt faible (“donc”, “en effet”, “par conséquent”).

Voir l’analogue anglais: “so”.

11   Conjugaison du verbe “doner” au présent (indicatif, subjonctif)

Indicatif
Subjonctif
1ère personne doins doinse
2me personne dones doinses/dons
3me personne done doinst/dont
4me personne donons donons
5me personne donez doneiz
6me personne donent donent

12   Conjugaison du verbe “plaisir/plaire” au prétérit

1ère personne ploi
2me personne ploüs/pleüs
3me personne plout/plot
4me personne ploümes/pleümes
5me personne ploüstes/pleüstes
6me personne ploürent

Notons que ce verbe est à l’impersonnel: voir en français moderne “il me plaît de faire (quelque chose)...”.

13   Conjugaison du verbe “querre” au présent (indicatif)

1ère personne quier
2me personne quiers
3me personne quiert
4me personne querons
5me personne querez
6me personne quierent

14   Les temps verbaux

Déjà dans ce tout petit texte, on voit ce mélange des temps qui caractérise tant la syntaxe de l’ancien français: les verbes y sont au présent, à l’imparfait, au passé composé, au prétérit. Rien n’est encore fixé, tout est au choix rhétorique et dramatique de l’auteur!

15   Le tricheur démasqué

La jeune fille voit clair! — Elle sait repousser ce noble séducteur qu’est notre poète, en l’accusant de tricherie. Dans le monde amoureux du moyen âge, le “faux tricheur qui ment” s’oppose souvent à l’amant sincère.

16   Le nom du berger

“Perrin”, c’est “Pierrot”: comme Gilles ou Robin, un nom accordé par tradition aux bergers. C’est donc à cause de son Perrin que la jeune fille souffre ses maux d’amour, et les riches cadeaux promis par le poète–narrateur ne la tenteront point...